Suivre la vie du site Firefox Lettre d'info SPIP
Notice légale et crédits | Membres

Cluster 14 | E.R.S.T.U.

Enjeux et Représentations de la Science, de la Technologie et de leurs Usages.

L’imaginaire de la « convergence NBIC » et ses enjeux

Opération de recherche

Responsable(s) : Patrick Pajon, Philippe Walter

Objectifs : Le passage des activités humaines à l’échelle nano-métrique permet d’intervenir de façon industrielle au cœur de la matière, et de rechercher systématiquement des combinaisons entre bits, atomes, neurones et gènes, ouvrant des perspectives vertigineuses : informatique invisible et ubiquitaire (un ordinateur dans chaque objet, communiquant de surcroît), un corps-cyborg de plus en plus hybridé à des prothèses ou supportant des greffes techniques, des créatures modifiées, des couplages entre cerveaux et ordinateurs, et en ligne de mire la « fabrication moléculaire »... La voie empruntée depuis son origine par une humanité se créant elle-même semble se confirmer : voie fascinante, voire ludique, mais voie étroite tant les figures de la puissance folle ou de l’asservissement y sont présentes...

Dans ce cadre, les discours sur la convergence, leur « grand récit », sont porteurs d’implicites à expliciter. Ils sont liés à une vision du pouvoir (concentration, et secret), à un rapport à la nature (à reconstruire) et surtout à une certaine conception de celle-ci (son imperfection). Ils sont porteurs de conceptions de la connaissance qui sont spécifiques (celle-ci est, de fait, ramenée à de l’ingénierie), et de conceptions du sujet (cybernétisé et relié) qui sont lourdes de conséquences éthiques et politiques. Surtout, la convergence envisage sans recul un bouleversement des catégories conceptuelles entre l’humain (sur fond de néodarwinisme), l’animal et l’artefact.

On voudrait ici tenter de montrer en quoi derrières les promesses , ou les peurs liées aux technologies « de pointe » se tiennent des figures archétypales et mythiques dont la compréhension peut aider à une meilleure saisie des enjeux réels.

Organisation générale du projet

Plusieurs approches peuvent être utilisées dans cette tâche : analyse des discours, mise en perspective historique et culturelle, analyses sémiotiques , études imaginaires, ... doivent permettre de mettre à jour les schèmes de pensée constituant le formidable « réaménagement culturel » en germe dans la convergence NBIC. Cette approche sera traitée dans le cadre de l’axe « imaginaire des sciences et des techniques » du CRI (Centre de Recherches sur l’Imaginaire).

Le travail prendra un double aspect en terme s de production :

- d’une part , une thèse de doctorat sur la question de l’imaginaire de la « convergence NBIC », proprement dite,
- d’autre part un travail de construction méthodologique permettant de mieux intégre r les apports des théories de l’imaginaire dans l’appréhension des enjeux des technosciences . En particulier , ce second aspect s’appuiera sur le séminaires du CRI « corps et technologies » et sur les résultats du colloque prévu en décembre 2006 « Corps enchanté, corps en chantier ». Il débouchera sur une série de publications, voire sur un numéro spécial de la revue Iris.

Acteurs du projet

Equipes/ Labo s impliqués

Le projet sera mené conjointement par deux structures ayant établi une collaboration approfondie depuis 2004 sur la question de l’articulation entre compréhension des structures de l’imaginaire, développement technologique et insertion sociale des produits issus des micro et nanotechnologies (Patrick PAJON est membre du Comité d’Orientation de MINATEC IDEAs Laboratory®)

Centre de Recherche sur l’Imaginaire

Le Centre de recherche sur l’imaginaire est un centre de formation à vocation pluridisciplinaire (littérature française, littératures comparées, lettres étrangères, sociologie, psychologie, anthropologie). Son projet scientifique trouve unité et cohérence dans la réflexion sur l’imaginaire et sur l’imagination symbolique menée d’abord, et dans des champs divers, par Mircea Eliade et Gaston Bachelard, reprise et développée par Gilbert Durand qui fonda le centre en 1966 en collaboration avec Paul Deschamps et Léon Cellier.

Théories et méthodes anthropologiques, philosophiques , sociologiques, psychologiques ou littéraires ont été mises au point et développées en référence, en confrontation et/ou collaboration, avec les œuvres de G. Dumézil, E. Cassirer, R. Caillois, H. Corbin, C. Lévi-Strauss, G.Bachelard, P. Ricœur. A partir des acquis de la psychologie, de l’anthropologie, et de l’ethnologie, de la philosophie et de la critique littéraire, cette réflexion s’est poursuivie en relation avec les acquis des philosophies du langage, des méthodes structurales dans les ouvrages de G.Durand bien sûr, et, dans le domaine plus strictement littéraire, après C. Mauron, G. Poulet, P. Albouy, dans les ouvrages de J. Starobinski, N. Frye, M.H. Abrams, R. Girard, ou H.R.Jauss, par exemple.

L’École de Grenoble conduit une réflexion sur les aspects, l’évolution, le sens, d’une herméneutique des images, des symboles, des archétypes et des mythes à l’œuvre dans l’imaginaire d’une culture, d’une époque ou d’un créateur. La méthode d’approche se fonde essentiellement sur l’analyse des procédures symboliques (représentations, symboles, mythes...) comme éléments déterminants de la création littéraire et artistique ( mythocritique) et sous-tendant, sur une période donnée, les attitudes socio-historico-culturelles (mythanalyse).

Nom des chercheurs impliqués :Philippe WALTER (Prof . littérature), Patrick PAJON (Mcf. Sciences de la communication) , Stéphanie CHIFFLET (doctorante CRI), William SCHUNADEL (doctorant CRI)

MINATEC IDEAs Laboratory®

MINATEC IDEAs Laboratory® est un plateau d’innovations dont le but est d’améliorer les méthodologies d’accompagnement des processus d’innovations dans le domaine des applications liées aux micro nano technologies. L’objectif de ce laboratoire est d’imaginer les produits du futur intégrant les micro et nanotechnologies, d’anticiper les ruptures induites par les micro et nanotechnologies pour mieux répondre aux attentes du marché, avec une méthodologie centrée « utilisateurs et usages » et enfin de croiser les technologies et les méthodologies d’analyse sociétale pour alimenter les projets d’innovation.

Chercheurs en sciences humaines et sociales, experts scientifiques et partenaires industriels travaillent de concert dans ce laboratoire, en croisant approche en Créativité et approche Usages. Cette activité est rattachée au CEA LETI/ DRT/DCIS.

Place du projet dans les opérations internationales

Le CRI de Grenoble est membre du réseau international des Centres de recherche sur l’imaginaire et entend s’appuyer sur ces relais pour appréhender les différences culturelles dans la construction (ou non) de la « convergence NBIC. Entre notamment Europe, Amérique du Nord et Asie . Pour ce faire, il peut compter sur des collaborations avec : équipe de recherche sur l’imaginaire symbolique (ERIS), Cracovie ; Centre d’histoire de l’imaginaire de Bucarest ; Montréal (UQAM) ; Centre de recherche sur l’imaginaire (CRIT) de Thessalonique ; Porto Alegre et Université PUC de Rio de Janeiro (Brésil). Par ailleurs le CRI est partie prenante du programme Eurasie qui étudie dans une perspective comparatiste les imaginaires européens et asiatiques (Japon notamment).

La convergence technologique NBIC (Nanotechnologies, Biotechnologies, Informatique, Sciences Cognitives) se présente aux Etats-Unis, en Europe, et plus généralement dans les pays à fort développement technologique comme vision et projet structurant pour l’avenir des sciences et des technologies, mais également des sociétés.

Cette « convergence », ce qu’elle présuppose (la vision cybernétique et l ’auto-organisation), ainsi que les redéfinitions disciplinaires qu’elle recommande fait clairement figure, chez de nombreux « décideurs » de nouvelle Doxa (l’ensemble des valeurs communément partagées par une collectivité, comme l’opinion de la majorité, i.e. ce dont on ne discute pas). Les rapports qui la promeuvent , et que l’on analysera en profondeur sont d’ailleurs des rapports « officiels ».

Surtout, cette présentation prend d’emblée les activités scientifiques dans les plis de la technoscience industrielle et fait de cette dernière la seule catégorie de la pensée (du) futur (e). Elle permet, au passage, de formuler l’hypothèse que si les savoirs scientifiques ont pu être au cœur de grands paradigmes, cette place tend désormais à être occupée par les technologies .

On se fixe dans ce projet comme objectif principal de mieux comprendre la dynamique des représentations sociales de cette convergence, et les modèles culturels et sociétaux dont elle est porteuse, quelles qu’ en soient la substance signifiante ou l’origine (scientifiques ou technologues, médias, grand-public, agences gouvernementales,...). En particulier, nous postulons que les représentations qui s’esquissent ici relèvent d’un nouvel « imaginaire technologique et sociétal » en voie de constitution qui sera lourd d’implications quant aux conceptions de « l’humain », du « sujet », du « corps », mais aussi du « lien social », de l’ « intimité », du « travail, » etc...

Les résultats des travaux menés dans ce projet auront vocation à être une production de connaissances en soi (articles, interventions dans des colloques ), mais aussi à être directement utilisés par les autres projets, notamment ceux de l’axe 2 du cluster.

Les travaux de recherche seront menés en relation « critique » avec les équipes du CEA engagées dans le pôle Minatec, et notamment dans les activités « d’ ouverture vers la ville » de celui-ci. Plus généralement, cette collaboration, qui s’exerce d’ailleurs sur d’autres terrains, marque une volonté de donner aux SHS une place croissante dans le déploiement des politiques technologiques.

Durée du projet

4 ans