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Cluster 14 | E.R.S.T.U.

Enjeux et Représentations de la Science, de la Technologie et de leurs Usages.

Structure scientifique du cluster

Rapport d’évaluation scientifique n°1

15 mars 2006
Premier rapport de D. Pestre, conseiller scientifique du cluster 14. Directeur d’Etudes à l’EHESS. Centre A. Koyré
contact : Dominique Pestre

1. - Remarques générales sur le cluster 14, la qualité de ses propositions et leur importance

L’existence et le financement d’un ensemble de travaux et de capacités d’expertise (un cluster) à propos des Enjeux et Représentations de la Science, de la Technologie et de leurs Usages dans le monde d’aujourd’hui est absolument essentiel. Dans les sociétés techniciennes et de la connaissance qui sont les nôtres, face à des processus d’innovation extrêmement rapides et face à un corps social parfois sur la défensive ou qui demande à être associé aux décisions, prendre de front cette question est de première importance.

La Région Rhône-Alpes offre un potentiel majeur, un potentiel exceptionnel en science et en technologie, en capacités d’innovation et de développement, notamment dans les champs les plus porteurs (bio-médecine, nanotechnologie et micro-électronique, etc.) Cela est bien connu. Ce qui l’est peut-être moins est qu’elle dispose - ce que prouve à l’évidence les propositions dont ce rapport doit rendre compte - d’une expertise tout aussi grande dans l’étude (philosophique, historique, sociologique, économique) des sciences et des techniques telles qu’elles se déploient en société et en politique.

La réputation des chercheurs qui, dans la région, travaillent à ces questions est bonne, comme le notent tous les rapports d’experts. Les propositions qu’ils ont soumises à la région sont par ailleurs d’un très grand intérêt intellectuel et politique. Si on ajoute la séance de travail particulièrement productive que nous avons eue avec la direction du cluster et les responsables d’axes de recherche le vendredi 10 mars à l’ENS de Lyon, mon sentiment est à la fois de grande confiance et d’enthousiasme.

Même si j’ai cru comprendre que la mise en route fut un peu longue, même s’il est possible de noter des appariements de projets un peu forcés dans certains des axes, il est aujourd’hui évident que ce moment est derrière nous : le dynamisme, la volonté de réussir, de s’adapter et de travailler de conserve que j’ai constaté durant cette longue journée de travail, les progrès qui ont été accomplis durant ces huit heures dans la formulation des thématiques et des rencontres croisées, font que je sais que ce cluster va fonctionner, qu’il fonctionnera efficacement - notamment aussi parce qu’il s’est donné les moyens d’une évaluation régulière des progrès accomplis. Une osmose est en train d’advenir, les engagements réciproques sont solides et la coordination du projet (à travers la tenue d’une série de trois nouveaux séminaires que je vais préciser ci-dessous) offre, à mon sens, les garanties dont nous avions besoin. Mes conclusions sont donc claires : les divers projets méritent les financements demandés et je crois pouvoir me porter garant de leur réussite.

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2. - Vue d’ensemble du programme et de son suivi

A la suite de la journée de travail du 10 mars, le programme de travail du cluster se présente ainsi.

Quatre des axes de recherche présentent une unité assez naturelle qui découle du fait que ces programmes de travail sont largement organisés sur des bases disciplinaires, qu’ils renvoient à des traditions de recherches et à des questionnements bien balisés, qu’ils portent sur des objets connus et qui restent d’importance. Il s’agit de :

* (1) L’axe 1, qui porte sur la fabrication des sciences, sur les sciences et leur déploiement intellectuel, leurs diverses manières d’avancer et de s’assurer de leurs résultats. La philosophie et les théories de la connaissance constituent les paradigmes dominants de cet ensemble de projets. Lors de la réunion de travail du 10 mars, nous sommes arrivés à la conclusion que les responsables de cet axe devaient envisager un séminaire de réflexion commun permettant de suivre les projets et d’en mutualiser les résultats - ce qu’ils ont accepté de faire avec plaisir. Il a été ajouté qu’il serait bon, afin d’élargir l’assise des questions, qu’ils invitent à ce séminaire des chercheurs d’autres axes - les approches sociologiques et anthropologique existant dans la région (pensons aux axe 2 et 5) et pouvant directement ‘fertiliser’ les programmes prévus dans le cadre de ce premier axe.

* (2) L’axe 3, qui porte sur les représentations des sciences dans le corps social, sur la fabrique des imaginaires associés aux sciences et aux techniques, sur l’analyse des images - et notamment des imaginaires médiatiques, romanesques et de science fiction - est une question d’importance aujourd’hui (pensez au clonage, aux images contrastées des nanotechnologies, etc. - et au poids de ces représentations dans les attitudes d’ac­compagnement ou de défiance). La cohérence est ici dans la sémiologie et l’analyse littéraire, et dans leurs méthodes. Dès à présent, il a été convenu que le projet Science et religion (anciennement de l’axe 4) serait rattaché à cet axe et que le séminaire que les responsables envisagent de tenir afin de suivre les travaux et de faire les propositions de rectification (si nécessaire) incluent des chercheurs de l’axe 5 (notamment ceux de l’opération 1 Technique et Récit : vers une nouvelle cartographie des savoirs), et de l’axe 2.

* (3) L’axe 4, qui porte sur la formation des scientifiques et des ingénieurs, et sur la didactique des sciences et des techniques, constitue aussi un sujet essentiel aujourd’hui pour la région et il convient de le soutenir fermement. Les chercheurs de cet axe pourrait inviter, pour leur séminaire central et de suivi, des chercheurs travaillant sur les cultures scientifiques et littéraires (notamment certains raccordés à l’axe 2) - ce qui étofferait la compréhension des problèmes qu’ils analysent.

* (4) L’axe 6, finalement, qui porte sur les sciences de gouvernement, sur les technologies de management des hommes et des choses, sur la gouvernementalité et la gouvernance scientifique et technique, est conçu de façon claire et efficace. La réunion du 10 mars a pensé que cet axe était très complémentaire des autres axes et que des incursions pourraient être faites, en son sein, du côté du contrôle des savoirs et des droits de propriété intellectuels. Il a aussi été convenu (voir le séminaire suivant) que des rencontres seraient certainement productives avec ceux travaillant, symétriquement, sur les mouvements sociaux et/ou contestataires.

Pour les axes 2 et 5, la réunion du 10 mars a conclu à deux choses. D’une part qu’il était de toute première importance de financer la quinzaine de projets proposés : ils sont tous décisifs et vitaux d’un point de vue social et intellectuel, il sont au cœur des questions politiques (en rapport aux phénomènes d’innovation) que posent nos nouvelles sociétés de la connaissance. Sur ces points, la nécessité et l’urgence de traiter des questions qui sont proposées ici sont hors de tout questionnement. Mais parce que ces questions sont plus neuves que les précédentes, que nous avons moins de recul, mais aussi parce qu’elles impliquent un très grand nombre d’acteurs et d’interactions dans le social (place des media et des dynamiques de marché, mouvements contestataires, interfaces de tous ordres, etc.), elle ne sont pas passibles d’approches classiques et/ou disciplinaires. Il convenait donc d’imaginer comment les rendre plus efficaces et pertinentes en organisant les confrontations intellectuelles les plus variées et fluides possibles.

La proposition à laquelle est arrivée la réunion du 10 mars sur ce point est :

* (1) de mettre sur pied deux séminaires transversaux, autour d’objets nouveaux, et ouverts indistinctement aux membres des axes 2 et 5 - ainsi qu’à tous ceux que ces sujets moins banals intéresseraient dans les autres axes, et

* (2) de concevoir un séminaire exploratoire commun à tous les chercheurs de la région, un séminaire d’une haute visi­bilité, portant sur les questions les plus complexes, dont les textes et débats seront rendus publics - et dont j’ai accepté, au côté de Mme Le Marec, d’assurer la programmation et l’animation.

A échéance de douze, dix-huit ou vingt-quatre mois, et au vu des résultats de ces trois séminaires, une définition et une délimitation autre des axes pourra être considérée - même si nous savons bien qu’aucune définition ne sera jamais parfaite et qu’il conviendra de toujours être capable de se déplacer et d’interagir avec d’autres : ceci est la condition du progrès en ces domaines.

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Les deux séminaires transversaux qui vont être mis sur pied sont les suivants :

* (1) Le premier organisera une réflexion sur la question de l’articulation des sciences, des techniques et des autres formes de savoir disponibles dans le social avec le politique et la démocratie. Dit autrement, il travaillera sur la production, sur la réappropriation et le contrôle des savoirs dans l’espace public et démocratique. Il devrait s’intéresser - et surtout s’appuyer sur les travaux des projets qui s’intéressent - à la pénétration des techniques dans le social et la manière dont elles le recomposent (axe 2), aux enjeux aujourd’hui présents dans l’espace public (axe 2), à la prise en compte des problématiques sociétales dans les activités de recherche (axe 5), aux pratiques de médiation autour des risques nanotechnologiques (axe 5), aux mouve­ments sociaux, à la contestation politique et à la place des argumentaires scientifiques dans leur mobilisation (axe 2) - comme aux enjeux scientifiques et au partage des savoirs entre sciences naturelles et sciences sociales (axe 5). Ce séminaire sera donc radicalement interdisciplinaire et centré sur un groupe de questions à très haute visibilité sociale et politique. Pour l’organiser, le comité de direction du cluster réuni le 10 mars a choisi de le con­fier à trois jeunes chercheur(e)s possédant chacun(e) une expertise différente mais complémentaire. Il s’agit de Sophie Béroud, Florian Charvolin, Renaud Payre et Hélène Romeyer.

* (2) Le second séminaire organisera une réflexion transversale autour des différentes acceptions de la notion de convergence - notion polysémique s’il en est, mais très en vogue aujour­d’hui. Cette réflexion sera menée à partir des discours des acteurs sur la convergence technique, sociale ou industrielle (axe 2), à partir de la transmission des savoirs, de la démocratie technique, de l’innovation et de l’acceptabilité (axe 5), elle le sera surtout et centralement à partir de la thématique très prégnante de « la convergence Nanotechnologies, Biotechnologies, Informatique, Sciences Cognitives » donnée comme l’avenir inévitable du monde techno-scientifique-industriel - voire de l’humanité toute entière (axe 2, 3, 5). Cette convergence NBIC est à la fois un projet utopique (elle est le discours de la science fiction comme des rapports de prospective), un projet porté par les élites industrielles et scientifiques pour des raisons stratégiques de financement, un projet repris par les politiques - et qui suscite des réactions sociales très diverses : acceptation heureuse par les post-humanistes attendant l’avenir radieux des cyborgs, mais aussi rejet inquiet de ceux qui craignent un effondrement des valeurs ou de l’humain, ou une montée des politiques de contrôle, sociale ou autres. ‘Déconstruire la notion’, si l’on peut dire, comprendre comment elle s’est instituée, comment elle est mise en œuvre et instrumentalisée, comprendre ses logiques et fonctions, ses modes de résonance avec les imaginaires nous semble extrêmement prometteur - et d’une brûlante actualité. Ce séminaire sera animé par Jean Caune, Daniel Pajon et Dominique Vinck.

Finalement, la réunion du 10 mars a proposé la tenue, dès le mois d’avril 2006, d’un séminaire mensuel exploratoire intitulé « Nouvelles frontières, nouveaux objets ». Ce séminaire est le séminaire central du cluster, ouvert à tous ses membres, dont la fonction est de considérer des questions majeures mais difficile à appréhender par des groupes limités, des évolutions délicates mais difficile à décrire. C’est en ce sens qu’il est exploratoire.

Pour commencer, ce séminaire écoutera les porteurs des projets qui nous ont semblé aborder ces questions aussi complexes qu’essentielles. Cela concerne par exemple les réflexions menées très en amont sur : ‘qu’est-ce qui de la connaissance scientifique peut être vendu’ ; sur les manières mêmes de réfléchir (épistémologiquement ou éthique­ment) sur les nanotechnologies ; sur le rapport des techniques aux processus d’individuation, si centraux aujourd’hui, etc. Il est aussi prévu de revenir dans ce séminaire sur les discours et réalités de la convergence NBIC, peut-être sous forme d’audition des porteurs du séminaire sur la question. Des invités extérieurs complèteront ce travail d’exploration.

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3. - Résumé et recommandations

* (1) Les membres du cluster sont des chercheurs de qualité et les questions qu’ils portent et se proposent d’approfondir sont capitales dans le monde d’aujourd’hui. Elles le sont notamment pour la région, très en pointe techniquement, scientifiquement et industriellement - mais où la contestation sociale est aussi très vive.

* (2) Leur volonté de collaboration, d’ouverture et de déplacement est très forte. Elle s’est manifesté lors de notre premier séminaire de direction le 10 mars. Celui-ci a débouché sur des propositions supplémentaires et vraiment porteuses d’avenir en ceci qu’elles s’ancrent sur un ensemble de questions et de recherche capitales.

* (3) Les sept séminaires de travail qui seront tenus occupent tous des nœuds stratégiques de réflexion - et ils sont entendus comme des moyens de synthèse et de suivi de la progression du programme en temps réel.

* (4) Je recommande donc le financement de l’ensemble du projet et m’impliquerai personnellement dans le suivi du travail du cluster par le séminaire central de réflexion dont j’attends les plus grandes choses. Le comité de direction du cluster, les responsables d’axes et moi-même avons par ailleurs convenu de faire des bilans d’étape, certainement à 12 et 24 mois après le début effectif des travaux.